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Entretien avec Michel Kichka

Michel Kichka est illustrateur, dessinateur de presse, caricaturiste, cartooniste et auteur de BD autobiographiques. Il enseigne aux Beaux-Arts de Jérusalem depuis plus de 30 ans.
Nos étudiants de 3e année ont eu la chance de suivre à ses côtés, un atelier sur le dessin de presse.

Quel a été votre parcours ?

J’ai toujours dessiné et quand j’étais enfant je disais déjà que je voulais devenir dessinateur. J’ai grandi à l’âge d’or de la BD franco-belge et c’est quelque chose qui m’a nourri et beaucoup inspiré. J’ai construit mon cursus scolaire pour réussir à réaliser cela. Je ne me suis jamais posé la question de ce que j’allais faire, j’avais un chemin tracé, je n’avais qu’à m’engager dedans et aller au bout.
J’ai fait mes études en Israël et j’ai commencé à illustrer car c’est le domaine dans lequel j’ai trouvé du travail. Tout d’abord pour l’édition enfantine puis la presse s’est intéressée à moi et on m’a proposé de faire de la caricature politique. J’ai placé quelques planches de BD dans des magazines pour enfants et puis un jour j’ai réellement commencé à écrire des bandes dessinées autobiographiques. En parallèle, j’ai commencé à enseigner à l’académie des beaux-arts de Jérusalem où je continue aujourd’hui à enseigner l’illustration, la bande dessinée et le dessin de presse.
Vers la fin des années 1990, j’ai commencé à « m’exporter » en envoyant des dessins à des journaux, à essayer de rencontrer des éditeurs. Petit à petit, j’ai aussi eu quelques ports d’attache grâce au dessin de presse par le biais de TV5 Monde pour qui j’ai travaillé pendant 15 ans en tant que caricaturiste politique et Courrier international avec qui je continue de collaborer régulièrement. Mais mon ouverture à l’international s’est clairement révélée quand j’ai eu la chance de faire partie du premier cercle de dessinateurs de l’association Cartooning for Peace créée par Plantu. J’ai alors pu rencontrer des dessinateurs du monde entier. Le combat pour la paix et la démocratie m’interpelle et à travers mon travail, je milite pour un monde sans frontières intellectuelles. Je crois en la tolérance, l’écoute, le pluralisme, l’universalisme et pouvoir venir ici à Troyes est une aventure très intéressante pour moi.

Quel est l’objet du workshop que vous avez animé ?

Dans un workshop de 3 heures on ne peut pas travailler la bande dessinée qui demande trop de travail, donc j’ai décidé de les faire travailler le dessin de presse. Afin d’obtenir des résultats à l’issue de l’atelier, j’ai imposé un exercice qui leur offre une grande liberté : choisir une photo de presse de leur choix. En effet, le photo journalisme représente une source intarissable d’informations et de références pour le dessinateur de presse. Ce sont bien souvent les photos de presse qui nous permettent de rebondir pour les détourner. Cela fait donc écho à notre travail, car on se nourrit de photos qui traitent du sujet que l’on veut aborder pour en extraire celles qui sont le plus consultées, les plus utilisées en unes de journaux.
Le thème était libre : politique, économie, écologie, sport, arts, loisirs, sciences, santé, société, éducation, etc… Libre à eux d’interpréter cette photo sous forme de dessin de presse de façon personnelle afin d’en proposer une relecture originale. Ils ont eu carte blanche, l’objectif était de les obliger à exprimer un ressenti, une option, c’est ça qui m’intéresse !

Quels sont les enjeux de votre métier ? du dessin de presse ?

L’enjeu aujourd’hui est de continuer à faire du dessin sans avoir peur, sans trop s’autocensurer, en comprenant que la globalisation (réseaux sociaux et journaux en ligne) a changé la donne. La parole se libère et notamment au niveau de la haine, de la violence, de l’offense, de l’humiliation donc il faut être intelligent pour mieux connaître le monde et pas uniquement derrière son écran. Il faut voyager car ça change notre perception du monde et personnellement ça m’aide à faire de meilleurs dessins. J’entends par là, de ne pas faire le dessin qui fâche, de ne pas aller aux solutions faciles, aux réflexes immédiats, aux stéréotypes éculés. Même si on se sert du stéréotype dans le dessin de presse, on peut le faire avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Je ne dessine pas que pour mon plaisir, je suis responsable de ce que je dessine, je ne peux pas faire n’importe quoi car on peut parfois être mal compris.

Un conseil à nos futurs designers ?

Tout d’abord, je leur conseille de se donner à fond dans leurs études. Personnellement, quand j’ai commencé à étudier j’avais juste du talent mais je ne savais rien et mes études m’ont aidé à m’épanouir d’une façon extraordinaire. J’ai compris qu’il fallait que je construise une base solide sous ce don inné que j’avais si je souhaitais l’optimiser.
Je pense également à deux notions de plus en plus importantes et notamment dans les métiers du design : le travail en équipe et l’interdisciplinaire. À l’heure où les changements sont beaucoup plus rapides qu’ils ne l’étaient jusqu’à présent, il ne faut plus être spécialisé mais avoir cette capacité à s’ouvrir à des choses nouvelles car on est obligés de s’adapter.
Enfin, dans les métiers de la création, qu’on soit architecte, designer produit ou dessinateur, on est amenés à savoir écouter, présenter son travail et bien argumenter son projet. Pour acquérir tous ces savoir-faire et savoir-être la route est longue mais il faut être « jusqu’au boutiste » car ce sont des métiers passionnants.

Workshop « Le dessin de presse » en images.

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