Entretien avec Earlwyn Covington
Earlwyn Covington est théoricien de l’art contemporain et du design, il enseigne à la Design Academy d’Eindhoven aux Pays-Bas. Enseignant dans de nombreuses écoles d’art et de design en France, il intervient à l’école dans le cadre de cours et de workshops pour nos étudiants du Mastère Design Strategy.
Quel est votre parcours ?
« J’ai fait mes études aux Etats-Unis dans les sciences sociales et les lettres modernes puis en arrivant en France j’ai découvert l’art contemporain et le design. Je me suis orienté vers ces 2 disciplines car je pense que les sciences humaines ont énormément à apporter à ces disciplines car le design exige de l’ouverture, un esprit libre et une curiosité incessante ! »
Quelle est votre vision du design ?
« Les disciplines du design et des métiers d’art s’inscrivent dans une globalité où le designer se doit de regarder ce qui se passe ailleurs. Sur une de mes interventions à l’école, nous avons travaillé en partenariat avec un supermarché. C’est un sujet très parlant et formateur pour les étudiants parce ce type de consommation touche toutes les classes sociales. Le design a besoin d’intervenir à chaque niveau dans la société en apportant des solutions holistiques ou systémiques.
Aussi, ma démarche est d’amener les étudiants à investir leur propre curiosité, à découvrir ce qu’ils aiment ou pas, à être capables d’expliquer pourquoi ou pourquoi pas, et d’aller au-delà des sentiers battus. C’est ce type de créatifs dont nous avons besoin pour répondre aux questions sociétales auxquelles seule, la société de consommation ne peut répondre. »
Que souhaitez-vous transmettre aux étudiants ?
« La première chose est d’être capable de savoir comment ils souhaitent intervenir dans une discipline saturée de talents, ce qui est plutôt une bonne chose en soi d’évoluer dans un milieu comme celui-ci ! Ils doivent arriver à trouver leur place soit par leur technicité, soit par un talent inné, qu’ils ont la chance de développer à l’école. Enfin, ils doivent cultiver leur personnalité parce que c’est primordial pour un créatif, tant dans sa pratique que son savoir-faire.
À chaque intervention, les étudiants arrivent à me faire comprendre leur individualité, en petit groupe c’est intéressant de pouvoir les accompagner chacun dans leurs démarches. Ils sont très consciencieux, ils ont l’envie de bien faire, de comprendre et d’investir leur propre process. Car mon rôle n’est pas de leur imposer ma vision des choses mais de les accompagner à construire leur process et de les aider à le questionner.
Selon moi, l’avenir du travail créatif est de montrer que vous êtes autonome, ce n’est pas la même chose qu’être indépendant, ça veut dire que l’on est capable de penser par soi-même, d’être à sa propre écoute mais aussi à l’écoute de l’autre. C’est d’ailleurs fascinant de voir cette transition dans leur manière d’être et de faire au service de leur pratique du design. »
Quelle est selon vous la valeur ajoutée de notre école ?
« À la fin de son parcours, le jeune designer doit réussir son entrée dans cette profession, ce qui n’est pas évident. Mes différentes interventions dans des écoles françaises me permettent de dire que votre parcours en 5 ans est très pertinent car il permet aux étudiants de trouver leurs marques. On leur donne l’opportunité de vraiment développer leur personnalité, l’école propose beaucoup de partenariats et projets collaboratifs. Les enseignants et intervenants les aident et les accompagnent au quotidien à identifier des process, à montrer leurs recherches, et dans le design les recherches sont primordiales ; parfois même plus importantes que le résultat. Ici, les étudiants ont bien compris que le fruit de leurs recherches ne sert pas uniquement le présent mais qu’il est de l’acquis pour leur vie professionnelle toute entière. En plus, le cadre de travail est assez incroyable avec beaucoup d’espace, des ateliers et un réel esprit de communauté que l’on retrouve à la fois chez les étudiants et avec l’équipe enseignante. »